Les pommes sauvages (Henry David Thoreau)
Posté : 14 mai 2019, 10:35
Bonjour à tous et toutes,
J'ai eu l'occasion de lire un petit livre, qui pourrait bien satisfaire les promeneurs que vous êtes : Les pommes sauvages, de Henry David Thoreau (1817-1862).
Ceux qui ont apprécié Becker devraient se régaler. L' édition 'Le mot et le reste' le propose pour 3 euros.
Il s'agit d'un essai d'une quarantaine de pages. Que vous ayez un intérêt pour les pommes sauvages ou non, peu importe, le livre a un goût, qui vous rassasiera certainement.
En voici quelques extraits :
" Si je sors bredouille de ces explorations, j'ai appris à regarder entre les pieds des surgeons qui poussent en rangs serrés sur des branches horizontales, car, de temps à autre il y en a une qui s'est logée là ; ou bien je cherche en plein milieu d'un bouquets d'aulnes où elles sont recouvertes par les feuilles, à l'abri des vaches qui pourraient les avoir flairées. Si je me sens en appétit -car je ne refuse jamais une Permaine bleue-, je me remplis les poches des deux côtés. Et quand je rebrousse chemin dans le soir glacial, étant à près de quatre ou cinq milles de la maison, j'en tire une d'une poche pour la manger, puis une autre de l'autre côté pour garder mon équilibre."
"Toutes les pommes sont bonnes en novembre. Celles que le fermier laisse de côté, comme invendables et dénuées de goût pour ceux qui fréquentent les marchés, sont des fruits de choix pour le promeneur. Mais, fait étonnant, la pomme sauvage dont je loue la saveur ardente et corsée quand elle est mangée dans les champs ou les bois, cette même pomme rapportée à la maison est souvent âcre et acide au goût. La 'Pomme du flâneur', le flâneur lui-même ne peut pas la manger chez lui. Là, le palais la rejette comme il rejette les cenelles et les glands, et il en exige une plus civilisée, car, dans la maison, il n'y a pas l'air de novembre ; il manque donc la sauce à laquelle il convient de l'accommoder(...) J'apprends que les fruits d'une espèce de prunier de Provence "sont appelés Prunes sibarelles, parce qu'après en avoir mangé, il est impossible de siffler, tant est forte leur âcreté". Mais peut-être qu'on ne les mangeait qu'à l'intérieur de la maison et en été ; si on les avait mises à l'épreuve dehors, dans une atmosphère piquante, qui sait si on n'aurait pas pu siffler une octave plus haut et plus clairement. (...) Ce goût de terroir naturel, ces saveurs âcres ou amères que refuse le palais malade sont les vrais condiments. (...) Je fais grand cas de ces fruits que les fermiers ne se donnent même pas la peine de cueillir. Ce sont les saveurs sauvages de la Muse, enjouées et animées. Le fermier pense qu'il a mieux dans ses barils, mais il se trompe, à moins d'avoir l'appétit et l'imagination d'un promeneur, deux qualités qui lui manquent assurément. (...)
Je crains que celui qui, dans un siècle, se promènera dans ces champs ne connaîtra pas le plaisir de gauler les pommes sauvages. Il y a bien des plaisirs qu'il ne connaîtra pas ! (...) Maintenant que les hommes ont des arbres greffés pour lesquels ils mettent le prix, ils les rassemblent sur un bout de terrain près de leur maison et les entourent d'une clôture ; et on finira par être obligés de chercher nos pommes dans un baril."
J'ai eu l'occasion de lire un petit livre, qui pourrait bien satisfaire les promeneurs que vous êtes : Les pommes sauvages, de Henry David Thoreau (1817-1862).
Ceux qui ont apprécié Becker devraient se régaler. L' édition 'Le mot et le reste' le propose pour 3 euros.
Il s'agit d'un essai d'une quarantaine de pages. Que vous ayez un intérêt pour les pommes sauvages ou non, peu importe, le livre a un goût, qui vous rassasiera certainement.
En voici quelques extraits :
" Si je sors bredouille de ces explorations, j'ai appris à regarder entre les pieds des surgeons qui poussent en rangs serrés sur des branches horizontales, car, de temps à autre il y en a une qui s'est logée là ; ou bien je cherche en plein milieu d'un bouquets d'aulnes où elles sont recouvertes par les feuilles, à l'abri des vaches qui pourraient les avoir flairées. Si je me sens en appétit -car je ne refuse jamais une Permaine bleue-, je me remplis les poches des deux côtés. Et quand je rebrousse chemin dans le soir glacial, étant à près de quatre ou cinq milles de la maison, j'en tire une d'une poche pour la manger, puis une autre de l'autre côté pour garder mon équilibre."
"Toutes les pommes sont bonnes en novembre. Celles que le fermier laisse de côté, comme invendables et dénuées de goût pour ceux qui fréquentent les marchés, sont des fruits de choix pour le promeneur. Mais, fait étonnant, la pomme sauvage dont je loue la saveur ardente et corsée quand elle est mangée dans les champs ou les bois, cette même pomme rapportée à la maison est souvent âcre et acide au goût. La 'Pomme du flâneur', le flâneur lui-même ne peut pas la manger chez lui. Là, le palais la rejette comme il rejette les cenelles et les glands, et il en exige une plus civilisée, car, dans la maison, il n'y a pas l'air de novembre ; il manque donc la sauce à laquelle il convient de l'accommoder(...) J'apprends que les fruits d'une espèce de prunier de Provence "sont appelés Prunes sibarelles, parce qu'après en avoir mangé, il est impossible de siffler, tant est forte leur âcreté". Mais peut-être qu'on ne les mangeait qu'à l'intérieur de la maison et en été ; si on les avait mises à l'épreuve dehors, dans une atmosphère piquante, qui sait si on n'aurait pas pu siffler une octave plus haut et plus clairement. (...) Ce goût de terroir naturel, ces saveurs âcres ou amères que refuse le palais malade sont les vrais condiments. (...) Je fais grand cas de ces fruits que les fermiers ne se donnent même pas la peine de cueillir. Ce sont les saveurs sauvages de la Muse, enjouées et animées. Le fermier pense qu'il a mieux dans ses barils, mais il se trompe, à moins d'avoir l'appétit et l'imagination d'un promeneur, deux qualités qui lui manquent assurément. (...)
Je crains que celui qui, dans un siècle, se promènera dans ces champs ne connaîtra pas le plaisir de gauler les pommes sauvages. Il y a bien des plaisirs qu'il ne connaîtra pas ! (...) Maintenant que les hommes ont des arbres greffés pour lesquels ils mettent le prix, ils les rassemblent sur un bout de terrain près de leur maison et les entourent d'une clôture ; et on finira par être obligés de chercher nos pommes dans un baril."